Lieux de Mémoire

Publié le 29 Novembre 2020

Lieux De Mémoire (in A l’Antenne)

 

 

à Siv

 

 

Il s’est récemment ouvert non loin d’ici un autre lieu de mémoire… et comme souvent à mille lieues de m’imaginer ce dont il retournait… j’ai d’abord pensé ne pas y aller… et puis… c’est toujours les endroits les plus près que l’on ne visite jamais ou seulement quand nous rendent visitent ceux du lointain… quand ils n’ont pas commis tout simplement l’arrogance d’y aller avant nous… c’est fort de cette mûre réflexion que je m’armai de courage et décidai d’y aller… justement parce que je n’y serais pas allé… si je m’étais laissé aller…

 

Le bâtiment Legoté sur deux étages arbore les couleurs de l’arc-en-ciel… allongées du blanc et du noir… curieux design mais le design est le fort de cette ville et de ce pays et donc je ne rendis à la raison et à l’accueil pour prendre dûment mon ticket d’entrée…

Longue queue… faufilement… filoutage et me voici à l’intérieur d’un grande pièce carrée blanche… mais quelle ne fut pas ma surprise de trouver qu’il n’y avait… outre la foultitude de visiteurs s’activant telles abeilles dans une ruche industrieuse… rien !

Surpris sinon déçu je tournais et me retournais… valsais virevoltais dans l’espace lumineux… avec l’énergie du désespoir dans l’espoir d’y finalement trouver la raison de ma visite…

 

 

Et j’étais là dans l’espace raisonné de ce désert perdu… sans avoir rien vu ni même rien entendu… à n’y rien comprendre non plus… j’aurais souhaité qu’il plût… j’aurais souhaité qu’il plût sur ce désert à fleurir afin qu’il me plût… mais pas la moindre perturbation ne vint détourner mon attention dans ma détention chromatique…

Je fixais les murs me disant que j’arrivais bien finalement à leur intuiter de sortir de cette monotonie… quelque action… quelque soupçon d’action…

J’en étais sûr… j’étais sûr de moi… en en y pensant assez fortement quelque chose allait se matérialiser et sortir du mur… là en plein milieu de la couleur dominante…

Encore et encore j’essayais…  je me concentrais… je m’efforçais… rien… toujours rien ne sortait du profond… du plus profond… du sol au plafond… de plus en plus profond… du plus profond… je tombais de plus en plus haut… de plus en plus profond… sans rien trouver au fond de mon plongeon…

 

Finalement c’était sans espoir… j’aurais du le savoir… c’était clair… depuis le début… c’était là sur le mur… il  n’y avait rien à en tirer… c’était une couleur c’était tout… pourquoi aller chercher midi à quatorze heures ? on s’en pose des questions… on se pose déjà tant de questions pour rien…

Plus j’avançais dans ma visite… passant blasément d’une pièce à l’autre…  plus je passais… et plus  je passais vite… et moins je repassais… je ressortais de là presque en courant… au pas de course je rentrai à la maison… faisant des efforts surhumains pour oublier tout cela au plus vite…

 

 

J’en ressortis avec l’impression d’être resté sur ma fin… à la fin de ma tournée photovariable… convaincu qu’il ne m’en resterait rien qu’une perte de temps et d’argent…

 

 

C’est alors que m’arriva la nouvelle qu’une amie arrivait en vacances de Suède et pensait s’y rendre…

La presse avait fait son jeu maléfique éventant et vantant les mérites de l’endroit de manière tant panégyrique que dithyrambique… avait fini par convaincre la gourmande gourmet d’art qu’elle était…

Comment ? Tu n’as pas visité le deuxième étage ?

  • Quel deuxième étage ?
  • LE deuxième étage… il n’y en a qu’un !
  • C’est bien ce que je te disais… il n’y a qu’UN étage…
  • Non… qu’un deuxième étage… Il y a DEUX étages…

Les langues offrent régulièrement ce délire de donner plusieurs sens à un mot… nous poussant dans les ronds de fumée de la communication la plus fumeuse…

 

Je découvrais que notre musée non seulement avait conquis l’espace et l’espace international et un peu de notre ciel…

  • Bien… si tu le dis… j’y retournerai avec toi quand tu seras ici…

Et me revoilà embarqué dans l’arche de Noé des souvenirs en perdition… qui sombraient au fond même du mausolée des souvenirs…

 

Les lieux étaient les mêmes… et les couleurs étaient toujours là… désespérément seules… et nous laissaient désespérément seules en leur compagnie…

 

J’avais beau essayer de tenir une conversation de convenance… par politesse… par amitié… mais mon cœur n’était pas dedans… je m’y mettais et m’y sentais mal à l’aise…

 

C’est elle qui désarma la goupille de sécurité.

Tu sais finalement ce musée du souvenir est  très instructif…

  • Instructif ? Ce vide ? Cet arc-en-ciel ?
  • Oui… ça laisse place libre à l’imagination… à y placer ses propres souvenirs…
  • Mais… je ne suis pas venu y placer mes propres souvenirs…
  • Peut-être pas mais peut-être que tu es venu les y retrouver…
  • Euh… Hmmm…

 

Là ! Alors là ! Alors là… je retombais de l’armoire…

Il y aurait donc quelque chose dans le vide ? Ici on peut apporter son manger ?

Moi qui suis plutôt du genre Qui dort dîne… j’avais là un bel os à mâcher…

 

Je n’arrivais pas à baisser ma garde… et m’en allais me coucher pour ne pas dormir perturbé par la contre-culture… qui m’assaillait jusque dans mes derniers retranchements…

Le réveil me retrouva à la recherche de moi-même… de mes repères… les couleurs de l’appartement me semblaient hurler tant de choses et mes souvenirs m’assaillaient… j’essayais d’en parler au déjeuner… mais non… les souvenirs étaient les plus forts…  pas moyen de rendre les armes… les souvenirs montaient la garde…

Des souvenirs des souvenirs et encore des souvenirs à ne plus savoir qu’en faire…

Comment moi je sais tout ça ?

Tous ces souvenirs… là… c’est à moi ? Qu’allais-je faire de tous ces souvenirs… étrangers ? Tous ces souvenirs à moi n’étaient depuis longtemps plus à moi… nous n’étions plus que des étrangers l’un pour les autres…

 

C’est clair que… pour le coup… j’en avais assez pour en déposer au Musée du Souvenir… de quoi le remplir et au-delà…

Moi qui pensais avoir la tête comme un passoire en matière de souvenirs…

Et les voici qui arrivaient… les voilà qui rappliquaient en nuées… de quelques-uns ils étaient à présent des légions !

L’avalanche des souvenirs me semblait maintenant interminable… des lieues et des lieues de mémoire…

 

La chromothérapie a finalement été positive puisque je suis retourné en pensée sinon en présence dans ce Musée du Souvenir déposer ceux qui m’étaient et les plus précieux et les plus importants…

Sous l’emprise de ma prise je lâchai prise et me laissai aller à me rendre à l’évidence… Les souvenirs étaient bel et bien là… j’avais rempli mon Musée du Souvenir… en tous les lieux…

Lieux De Mémoire (in A l’Antenne)

à Siv

 

Il s’est récemment ouvert non loin d’ici un autre lieu de mémoire… et comme souvent à mille lieues de m’imaginer ce dont il retournait… j’ai d’abord pensé ne pas y aller… et puis… c’est toujours les endroits les plus près que l’on ne visite jamais ou seulement quand nous rendent visitent ceux du lointain… quand ils n’ont pas commis tout simplement l’arrogance d’y aller avant nous… c’est fort de cette mûre réflexion que je m’armai de courage et décidai d’y aller… justement parce que je n’y serais pas allé… si je m’étais laissé aller…

 

Le bâtiment Legoté sur deux étages arbore les couleurs de l’arc-en-ciel… allongées du blanc et du noir… curieux design mais le design est le fort de cette ville et de ce pays et donc je ne rendis à la raison et à l’accueil pour prendre dûment mon ticket d’entrée…

Longue queue… faufilement… filoutage et me voici à l’intérieur d’un grande pièce carrée blanche… mais quelle ne fut pas ma surprise de trouver qu’il n’y avait… outre la foultitude de visiteurs s’activant telles abeilles dans une ruche industrieuse… rien !

Surpris sinon déçu je tournais et me retournais… valsais virevoltais dans l’espace lumineux… avec l’énergie du désespoir dans l’espoir d’y finalement trouver la raison de ma visite…

 

Et j’étais là dans l’espace raisonné de ce désert perdu… sans avoir rien vu ni même rien entendu… à n’y rien comprendre non plus… j’aurais souhaité qu’il plût… j’aurais souhaité qu’il plût sur ce désert à fleurir afin qu’il me plût… mais pas la moindre perturbation ne vint détourner mon attention dans ma détention chromatique…

Je fixais les murs me disant que j’arrivais bien finalement à leur intuiter de sortir de cette monotonie… quelque action… quelque soupçon d’action…

J’en étais sûr… j’étais sûr de moi… en en y pensant assez fortement quelque chose allait se matérialiser et sortir du mur… là en plein milieu de la couleur dominante…

Encore et encore j’essayais…  je me concentrais… je m’efforçais… rien… toujours rien ne sortait du profond… du plus profond… du sol au plafond… de plus en plus profond… du plus profond… je tombais de plus en plus haut… de plus en plus profond… sans rien trouver au fond de mon plongeon…

 

Finalement c’était sans espoir… j’aurais du le savoir… c’était clair… depuis le début… c’était là sur le mur… il  n’y avait rien à en tirer… c’était une couleur c’était tout… pourquoi aller chercher midi à quatorze heures ? on s’en pose des questions… on se pose déjà tant de questions pour rien…

Plus j’avançais dans ma visite… passant blasément d’une pièce à l’autre…  plus je passais… et plus  je passais vite… et moins je repassais… je ressortais de là presque en courant… au pas de course je rentrai à la maison… faisant des efforts surhumains pour oublier tout cela au plus vite…

 

J’en ressortis avec l’impression d’être resté sur ma fin… à la fin de ma tournée photovariable… convaincu qu’il ne m’en resterait rien qu’une perte de temps et d’argent…

 

C’est alors que m’arriva la nouvelle qu’une amie arrivait en vacances de Suède et pensait s’y rendre…

La presse avait fait son jeu maléfique éventant et vantant les mérites de l’endroit de manière tant panégyrique que dithyrambique… avait fini par convaincre la gourmande gourmet d’art qu’elle était…

Comment ? Tu n’as pas visité le deuxième étage ?

  • Quel deuxième étage ?
  • LE deuxième étage… il n’y en a qu’un !
  • C’est bien ce que je te disais… il n’y a qu’UN étage…
  • Non… qu’un deuxième étage… Il y a DEUX étages…

Les langues offrent régulièrement ce délire de donner plusieurs sens à un mot… nous poussant dans les ronds de fumée de la communication la plus fumeuse…

 

Je découvrais que notre musée non seulement avait conquis l’espace et l’espace international et un peu de notre ciel…

  • Bien… si tu le dis… j’y retournerai avec toi quand tu seras ici…

Et me revoilà embarqué dans l’arche de Noé des souvenirs en perdition… qui sombraient au fond même du mausolée des souvenirs…

 

Les lieux étaient les mêmes… et les couleurs étaient toujours là… désespérément seules… et nous laissaient désespérément seules en leur compagnie…

 

J’avais beau essayer de tenir une conversation de convenance… par politesse… par amitié… mais mon cœur n’était pas dedans… je m’y mettais et m’y sentais mal à l’aise…

 

C’est elle qui désarma la goupille de sécurité.

Tu sais finalement ce musée du souvenir est  très instructif…

  • Instructif ? Ce vide ? Cet arc-en-ciel ?
  • Oui… ça laisse place libre à l’imagination… à y placer ses propres souvenirs…
  • Mais… je ne suis pas venu y placer mes propres souvenirs…
  • Peut-être pas mais peut-être que tu es venu les y retrouver…
  • Euh… Hmmm…

 

Là ! Alors là ! Alors là… je retombais de l’armoire…

Il y aurait donc quelque chose dans le vide ? Ici on peut apporter son manger ?

Moi qui suis plutôt du genre Qui dort dîne… j’avais là un bel os à mâcher…

 

Je n’arrivais pas à baisser ma garde… et m’en allais me coucher pour ne pas dormir perturbé par la contre-culture… qui m’assaillait jusque dans mes derniers retranchements…

Le réveil me retrouva à la recherche de moi-même… de mes repères… les couleurs de l’appartement me semblaient hurler tant de choses et mes souvenirs m’assaillaient… j’essayais d’en parler au déjeuner… mais non… les souvenirs étaient les plus forts…  pas moyen de rendre les armes… les souvenirs montaient la garde…

Des souvenirs des souvenirs et encore des souvenirs à ne plus savoir qu’en faire…

Comment moi je sais tout ça ?

Tous ces souvenirs… là… c’est à moi ? Qu’allais-je faire de tous ces souvenirs… étrangers ? Tous ces souvenirs à moi n’étaient depuis longtemps plus à moi… nous n’étions plus que des étrangers l’un pour les autres…

 

C’est clair que… pour le coup… j’en avais assez pour en déposer au Musée du Souvenir… de quoi le remplir et au-delà…

Moi qui pensais avoir la tête comme un passoire en matière de souvenirs…

Et les voici qui arrivaient… les voilà qui rappliquaient en nuées… de quelques-uns ils étaient à présent des légions !

L’avalanche des souvenirs me semblait maintenant interminable… des lieues et des lieues de mémoire…

 

La chromothérapie a finalement été positive puisque je suis retourné en pensée sinon en présence dans ce Musée du Souvenir déposer ceux qui m’étaient et les plus précieux et les plus importants…

Sous l’emprise de ma prise je lâchai prise et me laissai aller à me rendre à l’évidence… Les souvenirs étaient bel et bien là… j’avais rempli mon Musée du Souvenir… en tous les lieux…

 

Rédigé par Jesse CRAIGNOU

Publié dans #AudioBooks - Books & eBooks

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