Un Amour De Rêve ( extraits)

Publié le 14 Mars 2013

à ma sœur Arielle

 

 

À quoi ressemblerait-il celui qui se coucherait à ses côtés au soir de ses jours ? L’amour serait-il au rendez-vous ? L’émotion aurait-elle survécu à l’habitude ? L’habitude aurait-elle résisté à l’usure ? Elle ne savait… Elle ne pouvait  l’imaginer. Sa question était plus pressante. Elle était pressée.

À quoi ressemblerait-il celui qui viendrait la cueillir dans son parterre ? Sa solitude s’étendait dans ses heures qui s’allongeaient… La passion était consumée. La rupture était consommée. C’était le creux de la vague et le vide lui pesait. Ce vide s’appesantissait sur son cœur qui se lassait. Le pronostic lui semblait fatal : son remède semblait difficile à ordonner.

 

Qu’allait-elle devenir ? Elle s’interrogeait à son tour…

Après tout, qui était-elle ? Une femme. Une mère peut-être… Elle ne se trouvait guère que des défauts. L’avenir lui semblait noir. Mais non il lui fallait rassembler ses qualités. On n’est jamais foncièrement mauvais. Tout n’était pas négatif. Tout ne pouvait pas être tout noir même si tout ne pouvait pas être tout rose. La coupe ne pouvait être qu’à moitié vide. Elle ne voulait rien d’autre que l’amour. Un homme qui la complèterait. Quelqu’un qui la reconnaitrait. Quelqu’un en qui elle se reconnaitrait. Quelqu’un en qui elle se retrouverait. Cela ne pouvait être bien difficile. La plupart des gens semblait déjà l’avoir fait. De plus, une personne qui vit seule, à son âge, n’est pas sécurisante pour les autres. Pourquoi est-elle encore seule ? Est-elle rivale ? Elle n’est qu’impaire. Elle n’est qu’une autre intruse, avec tous les dangers que cela comporte… Elle dérange les forts. Ils viennent vers elle, enflés de leurs mots qui se croient bien placés. Elle arrange les faibles, ceux qui se croient déplacés. Ils viennent vers elle, panser leurs mots. Elle les écoute tous avec pour raison la déraison, pour compagnon la désillusion, pour fanion la soumission et l’omission. L’addition, la soustraction sont sommation. Contraventions aux conventions. L’intention enfante la dimension. La confession la commisération.

 

Il lui fallait se ressaisir mais, avant, il lui fallait se rassasier. Telle un vampire, elle se mit en chasse. L’âme sœur ne pouvait être bien loin. Elle l’avait peut-être déjà rencontrée par hasard. Elle le croisait peut-être déjà régulièrement. Il était peut-être déjà là qui la regardait. Elle ne l’avait peut-être pas encore remarqué mais cela ne saurait tarder. Pas vu pas pris. Pas pris en considération. Cette idée de l’autre qui l’attendait au chaud, à l’abri, tapi dans l’ombre qu’elle devait dévoiler, mettre à jour, la divertit quelque temps. Mais elle se lassa. Elle se laissa aller à la mélancolie. Par dépit, elle révisa ses choix. Elle redéfinit ses priorités et ouvrit son laboratoire pour procéder par élimination.

 

Ravivée. Ravigotée. Elle se confondit en conjectures, en compromis aléatoires, destinations déboires. Carambolages en séries, éraflures, tôles froissées et bris de glaces.

Elle se retrouvait devant le mur.

Elle avait tout essayé. Les rencontres fortuites, les rencontres forcées, les rencontres organisées. Quel que soit le moyen, elle avait déployé tous ses moyens. Elle avait affûté toutes ses armes. Elle avait effilé toutes les lames.

Elle y avait usé de tout son charme pour n’y retrouver que ses larmes. Elle avait tout essayé. Elle les avait tous essayés. Les plus jeunes, les moins jeunes, les grands, les petits, les gros, les minces, tous y étaient passés. Tous l’avaient blessée. Tous l’avaient laissée.

Elle avait fini par se dire que tout était fini. Que c’en était fini de sa recherche effrénée. Elle se mettrait en berne. Elle rangerait son cœur de verre sur l’étagère… De là, elle verrait. Elle descendrait peut-être un jour, pourvu qu’on la remarque. Pourvu qu’on rallumât sa flamme.

 

Elle en était là de ses considérations quasi noviciales quand, un jour, par un grand jour d’été, dans un grand soleil aveuglant, elle le vit.

 

Elle ne le vit pas tout d’abord. Le rayonnement était trop fort. Puis, elle l’aperçut. Elle le distingua et son image irradiante se précisa, se dessina même. Pas de doute. Non, aucun doute possible, c’était bien lui. C’était bel et bien lui ! Cet homme qui se dressait là, devant elle. Cet homme qui venait au-devant d’elle. Elle le reconnaissait. Il n’y avait pas d’erreur possible, pas de méprise. Elle ne savait plus à quoi il ressemblait cet homme qu’elle avait tant de fois imaginé, sous tant d’apparences possibles. Elle lui avait prêté toutes les allures. Elle lui avait accordé tous les sentiments, tous les crédits. Elle n’en avait trouvé aucun. Elle n’en avait reconnu aucun. Décidément, il n’était pas derrière tout ça. Alors de là, comment imaginer qu’il se cachait derrière ce rideau de lumière. Qu’il étincellerait de mille feux. Qu’il la ravirait à ravir. Non, tout cela ne pouvait être que le produit d’un rêve. Cet homme ne pouvait sortir que d’un rêve. Pourtant, elle ne rêvait pas. Elle ne dormait pas. Elle était bel et bien aveuglée dans la lumière.

Les étrangers ne seraient plus des étrangers, étrangement. Devant cette averse de lumière, le temps d’un éclair, il était devant elle. Elle n’en revenait pas de lui qui venait pas à pas. Petit à petit, elle abaissait ses défenses. À son élan, elle avait rangé ses lances. À son avance, elle avait fait son avance. Elle étendait l’étendard de son cœur à prendre. Mais, déjà, elle ne le voyait plus. Elle se sentait entrant dans son encan. En transe, elle entra dans sa danse et, l’encerclant de ses bras elle sentit qu’elle s’entait à son flanc. Ses vannes s’évanouirent et le flot de son amour la pénétra. Une avalanche s’épancha et leurs émotions fusionnèrent. Cette émulsion décantée les retrouva en communion. Union fraiche affranchie de ses frontières dans un bonheur infini. Elle était bien, il était bon.

 

Passionnée, leur passion s’écoulait paisible. Action par fraction, pas friction. Émulsions, émotions, sensations. Fonction, amour de faction. Fusion, effusions et non pas frustration.

Cet amour dont, depuis toujours, elle avait rêvé lui avait été adjugé au jugé. Rien ne pouvait mieux la combler. Au diapason, à l’unisson, ils faisaient sensation.

Cette union durait, dure, durera qui sait combien de temps. En attendant, elle baignait dans ce bonheur rémanent. Ce bonheur réparateur de tous les bonheurs perdus, brisés, rompus. Ce bonheur n’avorterait pas. Ce bonheur ne connaitrait pas le malheur. Ce bonheur portait bonheur. Ce bonheur nu les portait aux nues. Ce bonheur parvenu au bienvenu. Ce bonheur sans retenue.

 

Petit à petit passionné et passionnant. Tour à tour aimé et aimant. Il était carrément caresses. Calé dans ses câlins. Cocon. Cocoon. Cocooné. Amour. Amour toujours.

 

 

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Jesse CRAIGNOU

Rédigé par Jesse CRAIGNOU

Publié dans #Nouvelles Histoires - Short Stories

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